Essais

Les Confessions – Rousseau

Marc Bordier by Marc Bordier /


Me voici parvenu à la moitié des Confessions, le récit que Rousseau a publié en 1765 en réponse aux multiples critiques de ses détracteurs, en premier lieu à celles de Voltaire qui, un an plutôt, l’avait attaqué violemment dans Le Sentiment des citoyens en l’accusant – à juste titre – d’avoir abandonné ses enfants. La critique littéraire voit dans Les Confessions la première autobiographie moderne. S’exprimant à la première personne, Rousseau livre à ses lecteurs le récit fidèle et sans concessions de sa vie. Dans son introduction restée célèbre, il insiste sur le parti pris de vérité et d’authenticité qui l’anime : « Voici le seul portrait d’homme, peint exactement d’après nature et dans toute sa vérité, qui existe et probablement n’existera jamais. ». Le ton solennel, voire grandiloquent, traduit bien l’esprit de son projet : se décrire et se raconter tel qu’il est, sans rien omettre de ses faiblesses, de ses lâchetés ou des humiliations qu’il a vécues. Il en résulte un témoignage universel sur la condition humaine : en se mettant ainsi à nu sous les yeux du public, en exposant sans fard ses réflexions, ses sentiments et son intimité, Rousseau décrit en fait ce qu’est un homme, une fois ôté le vernis de l’hypocrisie et des conventions sociales propres à un milieu ou à une époque. Pour le lecteur du XXIème siècle, le récit des pérégrinations d’un jeune citoyen genevois dans la première moitié du XVIIIème siècle a donc infiniment plus d’intérêt que l’auto-fiction de Christine Angot ou les pseudo-confessions que déverse chaque jour la télé-réalité : il lui fait toucher du doigt l’essence même de l’être humain.
Je me rappelle avoir entendu Jean d’Ormesson expliquer un jour dans un entretien comment Proust, avec ses duchesses du Faubourg Saint-Germain, atteignait à l’universel. Eh bien, il en va de même pour Rousseau dans Les Confessions : à travers le récit de sa vie, il tend à chacun de nous un miroir et nous invite à nous interroger sur ce que nous partageons avec le reste de l’humanité.