Essais

L’idée européenne selon Stefan Zweig

Marc Bordier by Marc Bordier /

Voilà près de trois semaines que je n’ai rien publié sur ce blog. A vrai dire, je n’ai pas lu beaucoup de livres ces derniers temps. Mon esprit était davantage occupé par les questions d’actualité, en particulier par le Brexit. En tant que citoyen franco-tchèque,  pro-européen et résidant à Londres, j’ai suivi avec beaucoup d’intérêt le référendum sur  l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union Européenne.  Comme beaucoup d’Anglais, j’ai été très déçu par cette campagne délétère où les mensonges, l’égoïsme et la xénophobie ont triomphé, au moins temporairement, de l’idéal européen. Malgré tout, au milieu de toute cette boue, j’ai lu sur les réseaux sociaux beaucoup de réactions intéressantes. En particulier, de nombreux internautes ont rappelé cette belle citation de Stefan Zweig:
L’idée européenne n’est pas un sentiment premier, comme le sentiment patriotique, comme celui de l’appartenance à un peuple, elle n’est pas originelle et instinctive, mais elle naît de la réflexion, elle n’est pas le produit d’une passion spontanée, mais le fruit lentement mûri d’une pensée élevée. Il lui manque d’abord entièrement l’instinct enthousiaste qui anime le sentiment patriotique. L’égoïsme sacré du nationalisme restera toujours plus accessible à la moyenne des individus que l’altruisme sacré du sentiment européen, parce qu’il est toujours plus aisé de reconnaître ce qui vous appartient que de comprendre votre voisin avec respect et désintérêt.
À cela s’ajoute le fait que le sentiment national est organisé depuis des siècles et bénéficie du soutien des plus puissants auxiliaires. Le nationalisme peut compter sur l’enseignement, l’armée, l’uniforme, les journaux, les hymnes et les insignes, la radio, la langue, il bénéficie de la protection de l’État et fait vibrer les masses, alors que nous n’avons jusqu’ici, au service de notre idée, rien d’autre que la parole et l’écrit dont l’effet reste insuffisant face à ces moyens rodés depuis des centaines d’années. Si notre idée doit avoir des effets réels, nous devons donc la faire sortir de la sphère ésotérique des discussions intellectuelles et consacrer toute notre énergie à la rendre visible et convaincante pour un cercle élargi.
Cela m’a donné envie de relire  les écrits de Zweig sur l’Europe. Il y a quelques années, j’ai déjà lu et aimé Le Monde d’hier, magnifique  autobiographie dans laquelle l’écrivain autrichien raconte la défaite de l’ Europe de la civilisation et du progrès intellectuel face à la barbarie nazie.  Dans les jours qui viennent, pour retrouver l’esprit qui a donné naissance à l’Union Européenne, je me plongerai dans ses appels aux Européens, une série d’articles  et de conférences sur l’Europe réunis en un volume par les éditions Bartillat.