Littérature anglaise

Portrait de l’artiste en jeune homme – James Joyce

Marc Bordier by Marc Bordier /


J’ai achevé hier Portrait de l’artiste en jeune homme, le roman autobiographique dans lequel James Joyce raconte son enfance à Dublin et la naissance de sa vocation littéraire. Par souci d’honnêteté, je dois admettre que ce fut une lecture poussive et laborieuse. Je n’ai pas réussi à “entrer” vraiment dans ce récit tant il est complexe, déroutant et chargé de symboles. Le seul passage qui ait véritablement éveillé mon intérêt au moment de sa lecture est celui consacré à l’enfer (pp. 636 à 675 dans l’édition de la Pléiade), dans lequel le jeune James Joyce, assailli par la culpabilité après avoir goûté aux amours tarifées dans les bordels de Dublin, écoute avec terreur un prédicateur décrire les flammes de l’enfer et, rongé par le poids du péché, finit par entrer dans une église se confesser. Quoique la vision de l’enfer soit finalement conforme à l’imagerie chrétienne la plus classique, elle est ici théâtralisée par une rhétorique jésuite d’une logique et d’une clarté implacables, et le lecteur occidental (sans doute lui-même pécheur et imprégné de culture chrétienne…), pris à la gorge, ne peut qu’éprouver en la découvrant une terreur semblable à celle du jeune Stephen Dedalus.

Le reste du récit m’est apparu trop énigmatique pour que je parvienne à en comprendre véritablement la signification au moment où je le lisais. Ce n’est qu’après avoir refermé le livre et consulté quelques sources érudites que je suis parvenu à en saisir – de manière partielle et très imparfaite- le sens et la richesse symbolique : derrière ces errements et ces dialogues en apparence décousus se cache le récit initiatique par lequel le jeune Stephen Dedalus, perdu dans un monde obscur et illisible, progresse dans le labyrinthe de la vie, s’accrochant en vain aux repères qu’il rencontre en chemin – la religion, la politique, la vie sociale – avant d’en trouver l’issue dans l’exil et la littérature. Une fois de plus, je reconnais là l’intérêt de ce blog, qui m’oblige à prolonger mes lectures par un petit travail de recherche et de réflexion sans lequel des oeuvres comme celle-ci me resteraient complètement hermétiques.