Littérature étrangère

Honoré Beaugrand – La chasse-galerie

Marc Bordier by Marc Bordier /

   J’ai rapporté de Montréal un recueil de contes d’Honoré Beaugrand, un auteur québécois de la seconde moitié du XIXème siècle devenu un classique de la littérature canadienne en langue française. La chasse-galerie – c’est son titre – regroupe six récits parus en 1900, dont quatre sont des contes fantastiques (La chasse-galerie, Le loup garou, La bête à grand’queue, Le fantôme de l’avare), c’est-à-dire des récits brefs, racontés selon une tradition orale, et mettant en scène des phénomènes surnaturels, tandis que les deux autres (Macloune, Le père Louison) sont des portraits de villageois. Tous présentent la particularité de s’inscrire dans une relative uniformité de lieu (les villages des berges du Saint-Laurent, l’Outaouais), de temps (le début du XIXème siècle) et de milieu (paysans, bûcherons et pêcheurs évoluant dans un univers rural et populaire).

   Ayant depuis toujours été fasciné par les récits et films d’épouvante, j’ai naturellement apprécié les quatre contes fantastiques. La chasse-galerie, par exemple, raconte l’histoire de bûcherons qui pactisent avec le diable pour s’envoler dans un canot d’écorce et retrouver ainsi leurs “blondes” le temps d’une soirée. Le loup garou, La bête à grand’queue, Le fantôme de l’avare mettent en scène des rencontres dangereuses avec des créatures surnaturelles devenues depuis des classiques du cinéma et de la littérature pour adolescents. Le lecteur moderne, nourri à la bit-lit et aux séries américaines (True blood, etc.) est sans doute un peu blasé de toutes ces histoires de vampires, de fantômes et de loups-garous, et il accueillera peut-être le livre d’Honoré Beaugrand avec une moue sceptique. Mais dès les premières lignes, il aura l’impression de remonter à leur source, à ces récits racontés au coin du feu dans les longues veillées d’hiver dans les campagnes autrefois. C’est d’ailleurs précisément par cette mise en scène classique mais somme toute très efficace que Beaugrand introduit son lecteur dans le récit : une groupe d’hommes ou de femmes rassemblés le soir autour d’un feu, d’un repas ou de quelques bouteilles de Molson écoutent un conteur qui les emmène dans une univers imaginaire. Dès lors, les mythes un peu usés du fantôme ou du loup-garou retrouvent leur portée historique, populaire et rurale. Ils quittent leur statut d’images désincarnées et vides projetées sur un écran pour retrouver leur dimension ethnologique, populaire et rurale et s’enracinent dans la géographie et l’histoire d’un territoire et d’un peuple.