Littérature étrangère
L’esprit tchèque dans Une trop Bruyante solitude, de Bohumil Hrabal
by Marc Bordier /
A l’instar de Jaroslav Hasek, Bohumil Hrabal appartient à une lignée d’écrivains tchèques qui cultivent le dérisoire et le grotesque. Avec Moi qui ai servi le roi d’Angleterre, il met en scène l’absurde en lui donnant une tournure comique, jouissive et délicieusement foutraque, très bien restituée à l’écran par Jiri Menzel (voir mes billets datés de janvier et février 2015 sur ce blog). Dans Une trop bruyante solitude, nouvelle publiée en samizdat au milieu des années soixante-dix, l’absurde est toujours très présent, mais il prend un visage plus mélancolique et amer.
Ecrit sous la forme d’un long monologue intérieur, Une trop bruyante solitude raconte l’histoire de Hant’a, modeste ouvrier qui presse depuis trente-cinq ans des vieux papiers au fond d’un atelier de recyclage dans la Tchécoslovaquie des années soixante, avec pour seule compagnie des souris, des mouches, et de temps en temps la visite de deux jeunes femmes tziganes. Loin d’être silencieuse, cette solitude est remplie du bavardage des livres que l’ouvrier curieux dévore avant de les transformer en balles de papier. Presque contre son gré, il finit par s’imprégner des idées que le système lui demande de faire disparaître. Au contact de Kant, Nietzsche, Schiller, Lao Tseu Erasme et bien d’autres, il se forge une culture érudite, et son univers intérieur se peuple de pensées et de souvenirs de lecture. Cet équilibre bascule le jour où il découvre l’existence d’une usine moderne de recyclage, où des ouvriers exécutent leur travail de destruction avec application, dans l’indifférence grasse et bêtement satisfaite de travailleurs socialistes installés dans leur confort matériel. Prenant conscience du caractère amer et dérisoire de son entreprise, le narrateur rentre chez lui, se glisse sous sa presse, et se laisse disparaître au milieu des livres qu’il a broyés durant toute sa vie.
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Readers' comments
http://education.francetv.fr/videos/presque-v113789
by Laeti /
Un livre qui semble léger et à lire pour ne pas se prendre la tête.
by Amandine Aufildesplumes /
tessdf
by Avinash Woodun /
Tu dis "cela sent le formatage et les ateliers d'écriture à l'anglo-saxonne" en faisant référence aux séries US : effectivement,…
by Master-Blerow /
Bonjour,Merci pour votre message, il m'a intrigué. Je vous écrirai par courriel pour en apprendre davantage.A bientôt,Marc.
by Marc Bordier /