Poésie

Yves Bonnefoy – Hier régnant désert

Marc Bordier by Marc Bordier /

Je dois reconnaître que j’ai eu du mal à comprendre la poésie d’Yves Bonnefoy. Ecrite dans un style dépouillé, suggestif et elliptique, elle peut facilement dérouter le lecteur, surtout s’il est un peu paresseux (comme moi…). Mais, en persévérant un peu, j’ai apprivoisé cette poétique singulière. Mon poème favori est le quatrain qui vient clore le recueil Hier régnant le désert (paru en 1958). Intitulé L’oiseau des ruines, il apporte un épilogue apaisé aux épisodes tumultueux et tourmentés des poèmes précédents. Après avoir traversé les flammes de la nuit, les souffrances de l’épée, les gémissements ensanglantés et l’épreuve de la mort, l’oiseau Phénix renaît à l’aube pour rejoindre l’unité intemporelle de l’univers.

L’oiseau des ruines

L’oiseau des ruines se dégage de la mort,
Il nidifie dans la pierre grise au soleil,
Il a franchi toute douleur, toute mémoire,
Il ne sait plus ce qu’est demain dans l’éternel.

Comments

ceren /

"Le son est une matière, comme toutes les matières il a ses sculpteurs" Yves Jaigu
Et le texte écrit ? même chose je crois.
Belle citation d'Yves Bonnefoy : "La poésie ne peut plus se permettre d’être naïve, il faut qu’elle se protège de l’...envahissement du conceptuel par une conscience de soi on ne peut plus avertie, et pour ce faire il lui faut revisiter et analyser sa propre histoire, il lui faut donc du savoir, de la philologie, seuls moyens de ne pas se retrouver à glisser à la surface des œuvres qui nous importent."

Oui difficile pour la poésie d'être à l'abri de ce glissement, difficile d'avoir cette conscience de soi on ne peut plus avertie :

Citation de Louis Latourre : "Qui forment le poème, – ce sont bien moins les mots, qu'une mise en harmonie (dissonances incluses) des signes qui les portent ; qu'une mise en résonance des sons qui les composent. Qu'une redistribution (on espère inspirée), de graphèmes et de phonèmes choisis pour leurs aspérités, leurs appuis ou leurs points d'ancrage possibles. Par quoi le corps-à-corps littéraire et physique concrètement se vive ; et crée le relief – dynamique, rythmique, visuel et sonore – de tout le texte écrit.

S'échappant de la feuille, sortant de l'écran plat, ce matériau graphique, cette matière pré-verbale consciemment exploitée, d'un discours puisé aux sources de son image et de son bruit, peuvent donner à quelque poésie de nouvelles façons et de nouvelles raisons d'être (celles d'être, notamment, autrement proférée).

Concentration ouverte... Effort de résistance à l'attraction verbale, à ses automatismes, forgé aux profondeurs cachées de tout langage... « Contraction excentrique » – telle des muscles profonds qui bien que peu visibles, compensent constamment l'attraction terrestre et assurent la prestance, la stature déliée, mobile, et le bel extérieur. Par rééquilibrage intello-sensoriel, une poésie s'empêche de tomber dans les mots.

Voilà remises en cause les normes lexicales, les routines syntaxiques... Et secoués les rites inconscients du discours intérieur constamment proféré et subi.

Ce cri, ces contorsions de l'être ébloui d'être...

Ce couloir vers le jour – dont certains choisissent de tailler la forme et la matière, – ne leur en voulons pas, ne leur disputons pas le corps de l'entreprise. Il se peut qu'ils en fassent une chambre d'écho, un lieu de résonance ou dissonance heureuse... Le bénéfice du doute serait... poésie."

http://www.youtube.com/watch?v=DxCMi2pM6SQ